lundi 30 mars 2015

Douze ans, sept mois et onze jours

Lorris dans la forêt


Douze ans, sept mois et onze jours est un chiffre bien précis. Il n’est pas d’usage, à cet âge-là de compter sa vie en jours, quand elle s’offre si longue. Pourtant, c’est à cette comptabilité que Jack Stephenson assigne son fils en l’abandonnant dans une cabane au milieu de l’immense forêt américaine du Maine, à douze ans sept mois et trois jours. Into the woods. Walden, qui n’aime ni le base-ball, ni le basket ni aucune espèce de sport d’ailleurs, n’arrive pas à combler les attentes de son père. Déception classique. Alors celui-ci semble avoir inventé pour son fils cette sorte d’initiation, censée faire de lui un homme et à laquelle il le soumet sans préavis et sans discussion possible, avec une apparente froideur, proche de la cruauté.

On ne raconte pas un thriller. Lorris Murail s’amuse à déjouer toutes les hypothèses que le lecteur ébauche quant aux mobiles du père et au comportement du fils. Les focalisations successives sur l’un et sur l’autre brouillent les pistes avec un art consommé de l’intrigue. Jack a laissé Walden avec quelques boîtes de conserve, une carabine, des allumettes et deux livres austères de Henry David Thoreau, le chantre américain de la nature, l’écologiste avant la lettre. Walden, qui connaît l’admiration de son père pour Thoreau – auquel il sait aussi devoir son prénom - croit d’abord à un jeu paternel avant de devoir puiser dans son instinct de survie, dont il découvre la force jusqu’ici inconnue de lui. Va-t-il réussir à se faire un partenaire de l’immensité qui l’entoure – huit millions d’hectares ? Ou va-t-il craquer et s’asseoir en pleurant papa sur une souche d’arbre ?

Difficile de lâcher cet âpre robinsonnade, roman d’apprentissage et d’épreuves, avant d’arriver à la fin de l’été indien et au bout d’un secret bien gardé.

Douze ans, sept mois et onze jours - Lorris Murail - Pocket Jeunesse (304 pages, 13,90 €)

PS : Lorris Murail a présenté son livre à la librairie Mollat.

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