vendredi 27 octobre 2017

Puisque c'est ça, je pars !



Comment échapper au regard décidé de cette petite fille qui se plante dans le vôtre ? Puisque c’est ça, je pars, le dernier album d’Yvan Pommaux, vous happe dès sa couverture. Et dès la première page, nous savons que nous allons suivre Norma et son singe Jojo, où qu’ils nous entraînent.

Jojo est présentement en mauvaise posture. Enterré jusqu’au cou dans un bac à sable par des bandits cruels, il passe un fichu quart d’heure, alors que des milliers de fourmis rouge s’apprêtent à le déchiqueter.

Assise sur son banc, maman appelle Norma : « On s’en va, secoue ton Jojo » mais Norma n’entend pas maman. Elle continue à jouer, surtout quand le portable de sa mère se met à coasser, signal d’une longue conversation qui va absorber l’élégante jeune femme, toute de blanc vêtue sous un élégant chapeau de paille.

Au point que maman ne voit plus Norma qui s’est plantée devant elle et attend la confirmation d’un autre signal, celui, annoncé, du départ. Or, celui-là ne viendra plus. Le correspondant au téléphone semble désormais beaucoup plus important que Norma.  « Tu vois bien que je téléphone ! » lance la mère, agacée, à sa fille qui insiste. Tout est dit. Vexée de compter moins qu’un portable, Norma décide de quitter sa maman, « loin… et pour toujours ! ».

Dès lors, le jardin quotidien se fait jardin extraordinaire. Chaque détail prend vie, change de proportion. Les statues s’animent, une lionne de pierre se transforme en panthère, les fleurs deviennent des géantes multicolores. Au détour d’une allée, Norma a croisé Félix, aussi délaissé qu’elle par sa mère, et l’a entraîné à sa suite dans les allées du parc.

Les deux enfants des villes sont maintenant dans la jungle, sous la menace de créatures fantastiques auxquelles ils n’échappent que de justesse, guidés par Bidule la libellule. Dans leur course éperdue, Norma perd Jojo. Cette perte va la ramener brutalement sur Terre. Les sortilèges se défont. Les aventuriers ne sont plus que deux enfants égarés. Vont-ils retrouver leur mère ?

Valeur sûre du monde des illustrateurs, Yvan Pommaux est resté contre vents et marées fidèle à la ligne claire de ses débuts et à Nicole son épouse et coloriste préférée. Leur tandem fait encore merveille dans cet album qui n’est pas une simple succession de tableaux, aussi somptueux fussent-ils. Les albums d’Yvan Pommaux racontent aussi une histoire et ce n’est pas leur moindre mérite que d’éviter les « et puis » et les « et alors » de bien des productions contemporaines pour les plus jeunes, qui enfilent souvent les images comme des perles.


Jouant sur deux motifs fondamentaux de l’enfance, celui de la fugue et celui de la peur de l’abandon, Pommaux alterne les pleines pages, parfois doubles, avec les cases de BD, ou les dessins hors cadre. Sa mise en scène s’en trouve rythmée, tantôt nerveuse, tantôt contemplative. En lisant cet album à un enfant, même tout petit, on prendra plaisir à retrouver avec lui tel ou tel détail du décor transfiguré d’une page à l’autre. Un plaisir inépuisable. Et n’oubliez pas de rallumer votre portable après la lecture…

Puisque c’est ça, je pars - Yvan (et Nicole) Pommaux - l’école des loisirs (44 pages, 14,80 €) 

En podcast sur RCF Loiret :

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